Vestige d’une époque sans limitations de vitesse et avec essence bon marché, la Lamborghini Espada rivalisait avec les Ferrari. Et a subjugué ce vigneron aubois par sa ligne hallucinante.
Champagne Marie Demets / Alain et Pierre Demets
Cinquante ans après sa sortie, cette fascinante Lamborghini Espada fait encore figure d’ovni futuriste. Sa ligne effilée et aiguisée comme une épée (Espada en espagnol, d’où son nom) est une folie automobile sans rivale comme a pu l’être avant elle la Lamborghini Miura, également dessinée par le génial styliste Marcello Gandini chez le carrossier Bertone. Comme chez nous la DS imaginée par un autre surdoué venu d’Italie, Flaminio Bertoni. Jamais cette Lamborghini Espada n’aurait vu le jour sans l’obstination d’un fabricant de tracteurs tellement mécontent des pannes à répétition sur ses Ferrari qu’il décida de fabriquer ses propres voitures de sport !
Car la marque Lamborghini a d’abord été celle des engins agricoles fabriqués par Ferrucio Lamborghini, un passionné de corridas. D’où la présence d’un taureau dans le logo de ses tracteurs, puis de ses voitures fabriqués à Sant’Agata non loin de Maranello, le fief de Ferrari. Entre Ferrucio et Enzo la rivalité sera permanente dès le lancement de sa première Lamborghini 350 GT en 1964. Et le coup d’éclat aura lieu à la sortie de la Miura 2 places en 1966 avec sa ligne époustouflante et sa révolution motorisée : un V12 4 l de 350 ch en position centrale arrière, solution jugée hérétique par Enzo Ferrari qui la rejettera pendant longtemps sur ses voitures.
Fort du du succès d’estime de sa Miura, Ferrucio Lamborghini décide alors d’enfoncer le clou en demandant à ses ingénieurs de lui de lui concevoir un luxueux coupé GT 4 places le plus rapide du monde pour élargir sa clientèle aux familles aisées ! Une prouesse technique qui va être réalisée en seulement 12 mois en partant d’un prototype présenté en 1967, et en réutilisant des éléments d’autres voitures de la marque dont le V12 de la Miura. La Lamborghini Espada fera ainsi une apparition très remarquée au salon de Genève en mars 1968. Un coup de génie doublé d’un coup de tonnerre. Le petit monde des voitures de sport est stupéfait par l’audace de cette ligne d’avant garde, comme étirée par sa vitesse, qui donne un coup de vieux à toutes ses rivales.
La Lamborghini Espada reste aujourd’hui le best seller de la marque. Et on ne reverra jamais une autre voiture équivalente à la silhouette si basse (1,18 m de hauteur contre 1,30 m sur une Porsche) capable d’emporter 4 passagers confortablement installés à 240 km/h pour profiter alors du développement des autoroutes où les limitations de vitesse n’existaient pas, et où les consommations d’essence n’étaient pas une préoccupation. Quand il fallait satisfaire les appétits d’un gros V12 ne donnant toute sa puissance qu’entre 7000 et 8000 tours/min dans un grondement caverneux ahurissant…
A l’époque, sur les coteaux de la Champagne auboise à Gyé-sur-Seine, le futur vigneron Alain Demets n’a que 18 ans. L’âge de l’insouciance dans cette France des Trois glorieuses en plein boom où, contrairement à aujourd’hui, tous les jeunes rêvent de leur première voiture, en voyant passer des Porsche des Jaguar, des Triumph, des Alfa Romeo…Mais l’extravagance de cette nouvelle Lamborghini Espada le subjugue littéralement. Au point de rêver secrètement d’en conduire une un jour… Ce qui finira par arriver. Mais près de 40 ans plus tard, un soir de Noël en 2006 ! Une belle surprise concoctée par sa femme avec la complicité d’amis. Dans la cour enneigée, le « traineau » du père Noël l’attendait sous ses yeux ébahis : une superbe Lamborghini Espada ramenée de Suisse !
« Et pas n’importe laquelle », explique Alain Demets. En dix ans d’existence, et 3 séries différentes, 1227 Lamborghini Espada ont été produites. Mais la mienne, de 1968, fait partie de la première version fabriquée à seulement 182 exemplaires, la 44ème exactement ! Et je ne suis que le troisième propriétaire de cette extraordinaire auto ! » Qui est devenue en même temps un bon placement. Achetée, à une époque où elle ne suscitait guère d’intérêt, pour le prix d’une Mégane Renault neuve, 20 000 € , cette version très recherché est aujourd’hui coté dans les 200 000 € ! Mais pour lui, peu importe. Il continue par plaisir de sillonner les chemins au milieu des vignes avec sa belle « Lambo ».
Ravis à l’arrière, ses petits enfants réalisent inconsciemment le caractère exceptionnel de cette auto rugissante unique en son genre par une foultitude de détails en plus de sa silhouette ahurissante. Car les places arrière très généreuses sont déjà en soi un endroit d’où la vue panoramique est sublime sur le poste de conduite constellé de cadrans de contrôle dans ce salon, le plus rapide du monde. Et hyper lumineux, par l’importance de ses surfaces vitrées et de sa lunette arrière quasi horizontale au dessus du coffre. Une curieuse petite poignée mobile gainée de cuir permet aussi d’ouvrir les deux custodes, mais en les basculant horizontalement !
Et à l’extérieur, deux petites grilles sont placées dans leur prolongement de chaque côté. Aérations ? Non. Un trompe l’œil qui cache…les bouchons de réservoir d’essence de chacun 45 litres ! Mais qui se vident en simultané, et non l’un après l’autre, pour gaver sous l’immense capot avant les 6 carburateurs double corps Weber du V12 propulsant de 0 à 100 km/h en 6,5 secondes cette « bella machina » de 1,6 tonne. Aussi bien aujourd’hui qu’une Ford Fiesta ST 1,5l turbo de 200 ch. Mais il y a un demi siècle, la performance était exceptionnelle.
Tout comme les équipements de la voiture pour l’époque : outre son 4 l V12 de 325 ch (puis 340 ch et 350 ch) à 4 arbres à cames en tête, freins à disques ventilés (sur les versions suivantes), double circuit avec deux servo-freins, vitres électriques, climatisation, 4 roues indépendantes, jantes légères en alliage magnésium. Une avance technique qui permettra à la Lamborghini Espada de continuer son existence 10 ans durant sans grandes modifications jusqu’en 1978. A une période où Lamborghini, frappé de plein fouet par le choc pétrolier de 1973 fatal aux voitures gourmandes, affrontera des difficultés financières chroniques.
En 1974 Ferrucio Lamborghini jette l’éponge et vend à un homme d’affaires suisse avant de se retirer dans sa maison au bord du lac Trasimène en Ombrie. En 1980, malgré le lancement de la Countach, la liquidation judiciaire est prononcée. La marque va alors connaître une descente aux enfers au fur et à mesure des cessions, en 1981 aux frères Mimram entrepreneurs dans l’agroalimentaire, en 1987 à Chrysler, en 1994 à un groupe indonésien co-dirigé par le fils du président Suharto. Le sauveur surgira en 1998 avec « l’homme qui a de l’essence dans les veines ».
Tel était le surnom du petit fils de Ferdinand Porsche, Ferdinand Piëch qui a fait gagner la marque de son grand-père au Mans avec les légendaires 917 à longues queues, et les Audi en rallye avec ses fameuses Quattro. Devenu patron de Volkswagen, Piëch rachète la marque en 1998 et va la ressusciter avec des modèles devenus emblématiques. Et des ventes multipliées par dix. Les Murcielago, Gallardo, Huracan, Aventador relanceront la course à la puissance avec le rival de toujours. Enzo et Ferrucio ne sont plus là pour compter les points. Mais la tradition perdure entre ces deux reines du bitume…
LA MÊME MARQUE AUJOURD’HUI
LAMBORGHINI HURACAN EVO SPIDER
Les voitures à moteur V10 atmosphérique sont une espèce rare, en voie de disparition. Et cette furie italienne de 640 ch à la musicalité terrifiante déménage sacrément avec un 0 à 100 km/h en 2,9 secondes qui fait plus que jamais de Lamborghini l’éternel rival de Ferrari. Mais avec une technicité redoutable où les 4 roues motrices et directrices gérées par une électronique de pointe collent la voiture à la route en toute sécurité malgré son tempérament de folie…lire la suite
OENOTOURISME
MON VIN PRÉFÉRÉ
« Naguère dans l’Aube l’agriculture rapportait plus que le vignoble. Maintenant, c’est l’inverse, raconte Alain Demets ! J’ai commencé en plantant 2,5 ha et par vendre au kilo. Puis en 1985, j’ai revendu mes terres agricoles pour racheter des vignes tout en reprenant celles de mon beau-père. Et j’ai élaboré mon propre champagne. » Aujourd’hui, son fils Pierre prend la relève sur les 12 ha de vignes des coteaux de Gyé-sur-Seine.
Cette cuvée 19e siècle de Prestige dosée à 8 gr, est issue d’un coteau calcaire exposé sud-ouest. Un bel assemblage à 50-50, où après 6 ans d’élevage, le Chardonnay apporte toute sa complexité et sa finesse fruitée et le Pinot noir sa puissance et sa rondeur sur une finale tout en légèreté qui marie minéralité et arômes subtilement pétillants. Un trésor de délicatesse. (18,50€) Tel: 03 25 38 23 30/ www.champagnemariedemets.fr
PROFITEZ EN POUR VISITER…
L’abbaye cistercienne XII éme siècle du Val-des Choues, un endroit extraordinaire qui surgit, au détour d’un long chemin dans la forêt de Chatillon, au coeur d’un vallon verdoyant au milieu d’une clairière. Le bâtiment, avec son immense cour carrée est aujourd’hui un centre de chasse à cour avec une meute de 150 chiens, et un musée de la vénerie.
*Chaource, sa célèbre fromagerie, son musée du fromage, son église St Jean-Baptiste véritable musée de la sculpture médiévale et sa mise au tombeau en pierre polychrome joyau de l’art troyen du XVI ème
*Le Troyes ancien avec les plus importantes ruelles à maisons de bois en France, l’église Ste Madeleine et son célèbre jubé en dentelle de pierre gothique flamboyant, ses magasins d’usine à prix cassés Marques avenue et Mc Arthur Glen, l’Hôtel de Mauroy magnifique édifice médiéval abritant le musée des outils et du compagnonnage, l’Hôtel Vauluisant et ses deux tourelles, l’ex évêché du XVI ème aujourd’hui musée d’art moderne avec l’extraordinaire donation de 2000 tableaux par l’industriel troyen Pierre Levy (Lacoste), riche en Derain, Courbet, Dufy, Cezanne, Vlaminck, Braque…
*Tonnerre pour son hôtel Dieu médiéval et son immense salle des malades à voûte en bois, le lavoir circulaire autour de la source vauclusienne de la fosse Dionne
*L’abbaye cistercienne de Clairvaux fondée en 1115 par St Bernard
*Le lac de la forêt d’orient avec sa réserve ornithologique et les nombreux oiseaux migrateurs qui y font halte
* Essoyes et sa célébrité locale : le peintre Renoir. Conquis par la beauté du village de son épouse, il y acheta une maison (devenue un musée) et y installa son atelier où la campagne alentour lui inspira nombre de tableaux
*Les chateaux de Tanlay, et d’Ancy le Franc ex demeure de Louvois
*Chatillon sur Seine pour ses ruelles en escalier montant jusqu’à la terrasse de l’église Ste Vorles du XI ème, et le musée archéologique avec son fameux vase grec en bronze de Vix , d’une dimension hors du commun (1,64 m de haut), retrouvé dans une nécropole princière non loin de là datant de 500 ans av. JC
* Et pour les enfants, Nigloland à Dolancourt, le deuxième plus grand parc d’attraction en France après Disneyland avec plus de 500 000 entrées par an à 2 h de Paris