DOMAINE DE LA ROCHE PILÉE Marc-Henry Wautier
Cette Traction Familiale de 1938 n’aurait jamais du survivre aux vicissitudes de la guerre. Et pourtant, aujourd’hui, elle roule tranquillement sur les routes du Beaujolais. Mais il s’en est fallu de peu…
C’est une Traction Familiale. Mais pas n’importe laquelle. Car elle revient de loin cette 11 cv de 1938 qui coule aujourd’hui des jours tranquilles dans le Beaujolais. Au milieu des vignes de Marc-Henry Wautier à Villié Morgon. Cette histoire invraisemblable commence à Paris en 1975 où dans une vie antérieure, ce chef d’entreprise ne se déplaçait qu’à bord d’une Traction de collection, sa voiture fétiche. « Pensez donc, à l’âge de 13 ans, j’avais un oncle super sympa en Seine et Marne qui me faisait conduire la sienne avec lui, assis sur des coussins pour être plus haut et voir la route ! »
« J’avais donc fini par réaliser mon rêve en 1972 en achetant une superbe Traction 15 CV datant de 1949. Et à Paris où j’habitais dans le 11ème je passais souvent devant un café où une Traction Familiale régulièrement garée le long du trottoir attisait ma curiosité. Jusqu’à ce jour mémorable de 1975, où je suis rentré dans ce bar en demandant à qui elle était. De derrière son comptoir, le patron de l’établissement me répond alors : « C’est celle du père Michard à l’atelier de ferronnerie-outillage dans l’impasse Saint Sébastien juste en face. Mais ce n’est pas la peine d’aller le voir car il envoie balader tous les gens qui vont lui demander si sa voiture est à vendre ! »
Pas découragé, Marc-Henry Wautier reprend sa Traction et va se garer dans l’impasse juste devant l’atelier. Il rentre alors dans un bazar indescriptible au milieu duquel trône, en blouse grise, béret sur la tête et mégot au bec, le fameux père Richard. Et la conversation s’engage. « C’est à vous la Traction Familiale devant le bistrot ? Oui, et alors ? Elle n’est pas à vendre ! répond-il d’un air bougon, tout en jetant un œil par la porte ouverte. Aaah… mais c’est vous qui êtes garé devant avec cette belle Traction 15 cv ? « Ben oui, et je ne viens pas pour vous racheter la votre. » Et là, le ton change…
La glace est vite rompue avec les sujets de discussion entre passionnés de Citroën qui démarrent tout naturellement. « Et voilà comment on a fini par devenir copains. Car, après, j’aimais bien passer le voir pour le plaisir. Pendant cinq ans j’ai cassé la croute avec lui au café d’en face où il avait SA place et son rond de serviette. Et c’est là où le père Michard m’a raconté l’histoire incroyable de son auto, une miraculée de la guerre. » Avec tout d’abord une surprise cocasse. Pourquoi en mars 1938 Georges Michard, lui, célibataire endurci de son état, s’était il acheté une Traction rallongée pour famille nombreuse avec strapontins entre les deux banquettes pour accueillir 8 passagers ?
Parce que durant ses vacances, il démontait le siège avant droit pour y installer un lit à la place et transformer sa Traction en précurseur du camping car ! Hélas, en 1940, mauvais coup du sort avec la capitulation : l’armée allemande réquisitionne sa voiture ! Adieu la belle Traction Familiale de ses rêves qu’il avait affectueusement surnommée « Câline ». Dans le Paris occupé, le père Michard doit se contenter d’un vélo. A la Libération, les ennuis continuent : fin 1944, il reçoit un coup de téléphone comminatoire de la préfecture de Strasbourg qui le plonge dans une perplexité sans fond : « Monsieur Michard, nous vous demandons de nous débarrasser la cour dans les plus brefs délais, sinon… »
Mais débarrasser de quoi ? De votre voiture qui nous gêne, monsieur ! Pas possible ? Ma « Câline est toujours vivante !!! » Comment était elle arrivée là ? Et comment avait on pu retrouver sa trace ? Mystère…Ni une, ni deux, le lendemain, Georges Michard saute dans un train pour Strasbourg. Mais arrivé dans la cour de la préfecture, stupeur ! Il ne reconnaît plus sa Traction Familiale : métamorphosée, elle a été repeinte en vert de gris de l’armée allemande ! Mais pour le reste, ouf ! Elle avait échappé aux mitraillages et au saccage.
Et c’est donc au volant d’une Traction Familiale aux couleurs du troisième Reich que le père Michard, ravi, rejoint Paris libéré. Parcours plutôt cocasse ! Mais l’histoire invraisemblable de « Câline » n’était pas finie pour autant. Dans le vide poche reposait encore l’avis de réquisition avec l’adresse du père Michard qui avait ainsi permis à la préfecture de le contacter. Et plus incroyable encore : une enveloppe destinée, d’une belle écriture, à Monsieur Georges Michard. A l’intérieur, aussi stupéfiant qu’improbable : une lettre de remerciement signée du major von Wangenheim de l’Abwehr !
Cet officier de marine, à la très aristocratique correction prussienne, expliquait fort aimablement qu’il tenait à lui restituer, avec tous ses remerciements, la Traction Familiale dont il avait bénéficié durant son « séjour » en France… Rocambolesque dans le contexte cahotique de la débâcle de l’armée allemande repassant le Rhin ! La première chose qu’a faite Georges Michard à son retour, a bien sûr été de vite la repeindre en noir. Pour pouvoir rouler à nouveau d’un plaisir retrouvé avec « Caline ». Jusqu’au jour où en 1977, se sentant vieillir avec une vue défaillante, il a réservé une surprise à Marc-Henry Wautier : « Écoute, je t’aime bien, et ça me ferait plaisir de te donner « Câline ». Mais à une condition : que tu ne la revende jamais ! » Promesse tenue.
OENOTOURISME
LE VIGNOBLE
Les cinq hectares du Domaine de la Roche pilée méritent bien leur nom. Sur ce coteau caillouteux plein sud au dessus de Villié Morgon, le terroir schisteux-granitique broyé par l’érosion et le soleil se prête à merveille à l’élevage des Morgon puissants et aromatiques. C’est là où par son épouse Florence dont la famille possédait ce vignoble, Marc-Henry Wautier est aussi devenu vigneron. Un grand virage, loin de leurs vies professionnelles parisiennes. Directrice de clientèle chez Publicis, Florence Delorme a repris ce domaine familial en 1995 après avoir suivi une formation viticole en biologie végétale. Et en le convertissant progressivement au bio. Pour le plaisir de perpétuer une tradition ancestrale en retrouvant ses racines et de faire goûter son propre vin aux amis de passage. Mais après 23 ans où elle a vinifié avec passion ses Gamay, l’heure de la retraite a sonné en 2018 même si elle en continue la culture. Car les vignes restent. Et preuve de leur bon potentiel, c’est le réputé Domaine Lapierre, grand pionnier du bio à Villié Morgon qui se charge aujourd’hui de leur vinification pour les intégrer dans ses bouteilles.
PROFITEZ EN POUR VISITER…
VILLIÉ MORGON -LA CÔTE DU PY, montez en haut de ses 358 m jusqu’au croisement du calvaire en pierre d’où on a une superbe vue panoramique sur 5 appellations du Beaujolais
-COL DU TRUGES, dans Villié-Morgon prenez la D18 qui grimpe vers le point de vue grandiose du belvédère de la Terrasse dominant tout le vignoble, et d’où l’on voit le Mont Blanc par beau temps. Si vous poursuivez en redescendant de l’autre côté vers Avenas et Monsols, un autre Beaujolais montagneux et boisé se découvre à vous.
-JULIENAS, petit village, mais grand appellation en particulier par les vins du joli château de Julienas dont le propriétaire est un passionné de voitures anciennes et de combi Volkswagen
-VAUX EN BEAUJOLAIS, l’incroyable histoire d’un village où l’installation naguère d’un urinoir troubla le calme et diviser ses habitants !
-MONSOLS, et son prieuré du XIIème où s’arrêtaient les pélerins de Compostelle. Sur la commune se trouve le mont St Rigaud surnommé « le toit du Rhône » qui offre à 1012 m une vue panoramique à 360° à la fois sur le Massif Central et les Alpes
-CHÂTEAU DE CORCELLES, cet impressionnante bâtisse du XVème avec ses tours et ses toitures originales vaut le détour pour son ancien chais, sa belle cour intérieure, ses cuisines aux cheminées monumentales, ses oubliettes et son vin
-BEAUJEU, joli bourg vallonné, à l’origine du nom beaujolais par les seigneurs de Beaujeu qui en ont fait la capitale historique de la région, avec sa splendide maison du Moyen-Age, l’ancien Hotel-Dieu, l’imposante chapelle des princes et l’église romane St Nicolas, une des plus importante de la région. Ne manquez pas le circuit panoramique de 14 km jusqu’en haut de la montagne de Rochefort
-VILLEFRANCHE SUR SAÔNE, ne manquez pas le « Circuit des trésors cachés » avec ses hôtels particuliers aux cours intérieures Renaissance
-CHATEAU DE PRAVINS A BLACÉ, à 9 km au nord-ouest de Villefranche, ce charmant manoir Renaissance vaut le détour pour son ancien cuvage et ses dégustations
– St IGNY DE VERS, la chapelle de Vers du XIIème est remarquable pour son toit en tuiles vernissées et ses peintures intérieures style 1900. A côté, l’ancien moulin à farine de Vers se visite
-CHATEAU DE COURBEVILLE À CHESSY, ce bel édifice médiéval et Renaissance est dans la même famille depuis 4 générations, et fut fondé en 900 par une lignée de chevaliers
-BELLEVILLE, son splendide hôtel Dieu avec une apothicairerie d’anthologie -FLEURIE et sa chapelle de la Madone
-SALLES-ARBUISSONAS-EN-BEAUJOLAIS, son remarquable prieuré du Xème dans ce vieux village fondé sous l’autorité de l’abbaye de Cluny
-CHIROUBLES ses vins fruités et son sentier panoramique
– JARNIOUX charmant village avec ses ruelles aux maisons en pierres dorées dominées par l’imposant château Renaissance aux 7 tours
– CHATEAU DE MONTMELAS, ancienne propriété des sires de Beaujeu, bâti du Xème au XVIIème, et dans la même famille depuis 1566, c’est le plus ancien château du Beaujolais avec son vignoble et une vue superbe sur la vallée du Rhône et le Mont Blanc. N’est accessible qu’aux clients Airbnb logés dans une des tours, mais les caves et les vignes se visitent.
-OINGT, figurant parmi les plus beaux villages de France, ce bourg médiéval aux pierres dorées surplombe la vallée de l’Azergues. L’idéal est d’y pénétrer par la porte de Nizy pour s’engager dans les ruelles, entrer dans l’église St Mathieu et poursuivre jusqu’à la tour d’Oingt qui offre un superbe panorama sur les coteaux alentour. Ne manquez pas non loin de là l’étonnant musée automobile monté par la famille de vignerons Guillard.
-SAINTE PAULE, de Oingt, grimpez par la petite route escarpée jusqu’à ce petit village d’où l’on a une vue spectaculaire sur les multitudes collines verdoyantes de vignes, de prés et de villages perchés qui donnent l’impression d’être en Toscane. Tentez votre chance, si il n’est pas dans ses vignes centenaires, de frapper à la porte du truculent Alain Chatout dont le caveau recèle des trésors à tomber par terre !
-CHARNAY, figure aussi parmi plus beaux villages aux maisons en pierres dorées dont l’emblématique château est devenu la mairie. Intéressant aussi dans les parages le château du Sou, de Bagnols et de Rapetour à Theizé avec sa galerie italienne
-TERNAND, cet ancien village fortifié du XIIIème, opposé en contrebas à Oingt, vous fait agréablement remonter le temps avec son chemin de ronde et ses ruelles en pente