Sur ce grand domaine où travaillent une dizaine de frères et de cousins, il aime sillonner le vignoble à bord de son emblématique Renault 16 qui révolutionna l’automobile à sa sortie en 1965.
Champagne Paul Dangin /Stephane Fays à Celles-sur-Ource
Les maris heureux, Stephane Fays en fait partie. Surtout depuis qu’en 2012 son épouse très attentionnée lui a offert pour ses 40 ans la voiture de ses rêves ! Pas courant en effet, qu’une femme achète, comme cadeau d’anniversaire à son époux, une auto. Et pas en maquette, mais grandeur nature. Voila comment en soufflant ses bougies, ce vigneron de la fratrie des Champagnes Paul Dangin à Celles-sur-Ource, dans l’Aube, a eu la joie de découvrir, garée devant sa maison, une Renault R 16 TL 1565 cm3 de 67 ch . Et pas n’importe laquelle : avec carte grise de son année de naissance, 1972 ! “Je savais qu’il en avait très envie, alors j’ai mis des amis dans le coup pour lui en trouver une. Et c’est à Reims qu’on a déniché cette Renault 16” raconte Marie Fays. Un cadeau qui a fait mouche. “Pour moi, cette voiture est emblématique, explique Stéphane Fays. Dans la famille , c’est une tradition, on a toujours roulé en Renault depuis la 4CV. Et moi je roule en Espace après avoir eu une Avantime, une Mégane 16 S,…Quand la Renault 16 est sortie en 1965, c’était une révolution avec ses 5 portes qui en faisaient la première berline familiale polyvalente capable de se transformer en break en repliant la banquette arrière. Du coup, mon père en a eu une. Et je me souviens qu’étant mômes on jouait en cachette dans la Renault 16 TX de mon grand-père qui était le modèle de luxe 1647 cm3 93 ch avec, pour la première fois en France, condamnation centrale des portes, lève vitres automatique. Et surtout un gadget qui nous amusait beaucoup : un toit ouvrant électrique. Malheureusement, à force de l’ouvrir et de le fermer, on lui mettait ses batteries à plat !” Originale, la Renault 16 l’était à plus d’un titre. Son look anticonformiste était complètement décalé par rapport à la concurrence des berlines tricorps conventionnelles de l’époque, 404 Peugeot, Ford Taunus ou Opel Rekord.
Un berline cossue au look anticonformiste qui se transformait en break
Elle avait pour mission de combler un vide dans la gamme Renault depuis l’arrêt de la grosse berline Frégate sous motorisée qui n’avait guère eu de succès. En 1958, le PDG de Renault Pierre Dreyfus lançait le projet 114, celui d’une voiture cossue dotée d’un 6 cylindres en ligne de 2,2 litres. Quatorze prototypes sont alors construits. Mais début 1961, gros coup de frein. Pierre Dreyfus décide de stopper net le projet . La conquête du marché américain, où les ventes de Dauphine Renault s’effondrent, n’est plus d’actualité.
Le coût du projet 114 devient alors excessif, et le marché européen s’oriente plutôt vers des voitures moyenne supérieure. Fini donc le projet 114 haut de gamme, et place au projet 115, une 4 cylindres qui devra satisfaire la nouvelle clientèle des familles de cadres du baby-boom moins conformistes. “Imaginez la voiture moyenne supérieure que vous rêveriez avoir.” lance le responsable du projet Yves Georges à ses troupes du bureau d’études qui vont adhérer avec enthousiasme, et une imagination débridée, à ce management peu ordinaire.
Objectif : sortir une voiture originale à la fois travail-loisirs et pratique à vivre. Comme l’était déjà la R4 avec hayon arrière lancée en 1961. Mais cette fois, pas question d’arborer un look utilitaire. L’exercice était donc plus délicat à réaliser sur une berline qui devait refléter un confort statutaire. Au final, le styliste maison Gaston Juchet avec, le designer indépendant Philippe Charbonnaux, et Claude Prost-Dame responsable carrosserie, vont réussir cette gageure.
Elue « Voiture de l’année » en 1966 grâce à ses innovations
Et quatre ans seulement après le lancement de l’étude, la Renault 16 bicorps à six glaces latérales était présentée au salon de Genève dans sa première version 1470 cm3 de 55 ch (142 km/h et 8,3 l/100) avec tout son lot d’innovations qui allaient lui valoir le prix tant convoité de “Voiture de l’année 1966”. La Renault 16 n’était plus conçue comme 4 sièges et une malle, mais un volume modulable. La banquette arrière coulissait pour augmenter la capacité du coffre de 346 à 424 l, puis à 750 l avec son repli partiel, et à 1200 l par son retrait complet.
Idéal pour les utilisations le week-end au moment ou de plus en plus d’automobilistes de la classe moyenne partait dans leur nouvelle maison de campagne en chargeant au maximum leur voiture de travail. Une position couchette était aussi disponible en rabattant les dossiers. Renault inventait “la voiture à vivre” qui deviendra son slogan publicitaire. Un changement complet de philosophie automobile où les passagers ne se pliaient plus aux contraintes de la voiture, mais où l’auto s’adaptait aux usages qu’on lui imposait.
Le confort à bord de la Renault 16innovait aussi avec des sièges où les ressorts étaient remplacés par des coussins en mousse polyuréthane et des bourrelets de caoutchouc recouverts, en option, d’un nouveau matériau à la mode : le skaï qui était à l’époque à l’automobile ce qu’était le formica pour les meubles de cuisine multicolores. La carrosserie présentait aussi des particularités uniques. Afin d’éviter des risques de torsion de caisse dus au hayon arrière et à l’absence de cloison avec le coffre, sa structure monocoque se composait d’un soubassement très rigide et d’une paroi latérale d’une seule pièce jusqu’à l’aile arrière. De plus, son toit plat relevé en corne sur les bords permettait d’augmenter la hauteur des vitres de portières et de supprimer les gouttières. Les suspensions indépendantes avec barre de torsion
amélioraient le confort et la tenue de route. Mais leur fixation à l’arrière donnait lieu à une bizarrerie avec un décalage de 7 cm entre la roue arrière droite et gauche qui était visible sur la différence de longueur de carrosserie entre la roue et la portière. Autre atout de sa conception révolutionnaire : sa légèreté avec seulement 980 kg pour une berline de cette taille. Tout y concourait, y compris le moteur en aluminium très novateur dans sa fabrication. Le bloc d’une seule pièce était coulé sous pression, une technique nouvelle déjà utilisée par quelques constructeurs américains.
Un démarrage des ventes beaucoup plus lent que prévu
Et pour la première fois en Europe, la Renault 16 était équipée d’un alternateur qui permet d’obtenir du courant de façon constante, même à bas régime dans les embouteillages avec phares et essuie glace allumés. Ce qui n’était pas le cas avec les dynamos où l’on risquait alors la panne de batterie. Mais malgré toutes ces innovations, le démarrage commercial de la R 16 sera plus lent que prévu avec seulement 400 ventes par jour.
La faute à son style trop audacieux ? A son niveau de confort et ses performances inférieurs aux DS ou au 404 ? Du coup la Régie va lancer en 1968 la Renault 16 TS (pour Tourisme Sportif) plus puissante de 50% avec un 1565 cm3 de 83 ch dépassant les 165 km/h. Et un intérieur complètement revu à la hausse avec une pléthore d’équipements jamais vu sur une berline moyenne : vitres électriques à l’avant, nouveau tableau de bord sport avec 4 cadrans chromés dont un compte tours, rétroviseur jour-nuit, cendrier et allume cigare éclairés, spot de lecture à l’avant, vitre arrière dégivrante, quatre phares carrés dont deux à iodes, essuie-glace deux vitesses couplé à un lave glace à 4 jets, feux de recul, sièges avant redessinés avec coffre et accoudoir central, sellerie en cuir. Bien joué : les commandes repartent en flèche. Et au final la Renault 16 sera un best seller avec plus de 1,8 million d’exemplaires vendus en 15 ans jusqu’en 1980.
LE VIGNOBLE : Dans la lutte contre le gel, on est pionnier dans la famille Dangin. “Au village, nos parents ont été les premiers à lancer en 1968 la technique de l’aspersion d’eau par un réseau de tuyauterie dans les vignes, où la glace qui enrobe les bourgeons les protègent paradoxalement des coups de gelée, expliquent avec fierté leurs descendants. Ca avait fait sourire tous les autres vignerons de Celles-sur-Ource. Jusqu’au moment où cette année là, toutes les vignes ont gelé sauf celles que nous avions pu arroser. Inutile de vous dire qu’on a vite fait école ! » Aujourd’hui, 32 hectares sur les 55 du domaine sont ainsi protégées par des kilomètres de conduites tous les 10 rangs de vignes et des batteries de pompes pour les alimenter avec l’eau de la rivière. Coup de revient de fonctionnement : 50 € l’hectare; moins cher que par des éoliennes. Efficace quand on sait que les 23 hectares restants ont été frappés à 90 % par le gel en 2016, contre 25% sur les parcelles protégées. Mais il a fallu batailler pendant 11 nuits d’aspersion pour éviter le désastre total. Car lorsque le vent s’en mêle, il assèche le nuage de gouttelettes qui se transforme alors en un brouillard très froid encore plus dévastateur. Le cinquantenaire de la marque Dangin n’aura pas été de tout repos !
Depuis que le grand père Paul, a mis lui même en bouteille en 1947 au lieu de livrer son raisin au négoce, le vignoble s’est sacrément métamorphosé à coups d’acquisitions pour arriver aujourd’hui à près de 60 hectares et une capacité de 600 000 bouteilles par an. Finie l’époque où la terre agricole rapportait plus que la vigne dans les années 50 ! Au point que le grand père avait échangé après guerre 4 hectares sur le Val Becon contre quelques stères de bois ! Alors qu’aujourd’hui un hectare tourne aux alentours d’un million d’euros…Et que le Val Becon, et ses très anciennes vignes de pinot noir, donnent le champagne le plus typé de la marque.
OENOTOURISME
MON VIN PRÉFÉRÉ
Cuvée Carte Noire, la plus représentative de l’histoire du domaine avec ses vignes les plus anciennes pour un 100 % pinot noir qui sort de l’ordinaire. Ce brut pas trop sec, issu du coteau terreux plein sud le Val Becon, démarre sur une attaque très forte au nez suivie d’une finesse fruitée en bouche avec une allonge en bulles soyeuses. Et son étiquette, faussement floue, donne une curieuse impression d’ivresse ! (14,60 €)
PROFITEZ EN POUR VISITER…
L’abbaye cistercienne XII éme siècle du Val-des Choues, un endroit extraordinaire qui surgit, au détour d’un long chemin dans la forêt de Chatillon, au coeur d’un vallon verdoyant au milieu d’une clairière. Le bâtiment, avec son immense cour carrée est aujourd’hui un centre de chasse à cour avec une meute de 150 chiens, et un musée de la vénerie.
*Chaource, sa célèbre fromagerie, son musée du fromage, son église St Jean-Baptiste véritable musée de la sculpture médiévale et sa mise au tombeau en pierre polychrome joyau de l’art troyen du XVI ème
*Le Troyes ancien avec les plus importantes ruelles à maisons de bois en France, l’église Ste Madeleine et son célèbre jubé en dentelle de pierre gothique flamboyant, ses magasins d’usine à prix cassés Marques avenue et Mc Arthur Glen, l’Hôtel de Mauroy magnifique édifice médiéval abritant le musée des outils et du compagnonnage, l’Hôtel Vauluisant et ses deux tourelles, l’ex évêché du XVI ème aujourd’hui musée d’art moderne avec l’extraordinaire donation de 2000 tableaux par l’industriel troyen Pierre Levy (Lacoste), riche en Derain, Courbet, Dufy, Cezanne, Vlaminck, Braque…
*Tonnerre pour son hôtel Dieu médiéval et son immense salle des malades à voûte en bois, le lavoir circulaire autour de la source vauclusienne de la fosse Dionne
*L’abbaye cistercienne de Clairvaux fondée en 1115 par St Bernard
*Le lac de la forêt d’orient avec sa réserve ornithologique et les nombreux oiseaux migrateurs qui y font halte
* Essoyes et sa célébrité locale : le peintre Renoir. Conquis par la beauté du village de son épouse, il y acheta une maison (devenue un musée) et y installa son atelier où la campagne alentour lui inspira nombre de tableaux
*Les chateaux de Tanlay, et d’Ancy le Franc ex demeure de Louvois
*Chatillon sur Seine pour ses ruelles en escalier montant jusqu’à la terrasse de l’église Ste Vorles du XI ème, et le musée archéologique avec son fameux vase grec en bronze de Vix , d’une dimension hors du commun (1,64 m de haut), retrouvé dans une nécropole princière non loin de là datant de 500 ans avt JC
* Et pour les enfants, Nigloland à Dolancourt, le deuxième plus grand parc d’attraction en France après Disneyland avec plus de 500 000 entrées par an à 2 h de Paris