La Frégate Transfluide était le modèle haut de gamme de la grande berline Renault d’après guerre. Mais lancée trop vite, cette auto concurrencée par la DS et la 403 a eu du mal à se faire sa place.
POUILLY-FUISSE / Gilbert Forest
Alors qu’elle déambule au milieu de ses vignes bourguignonnes de Pouilly-Fuisse en dessous de la fameuse Roche de Solutré, Gilbert Forest ne se lasse pas de la contempler et d’effleurer sa croupe avec ravissement…Plutôt joliment bâtie, ses galbes sensuels lui ont même valu de participer à des concours d’élégance. Mais sa carrière n’a pas été brillante pour autant malgré des débuts prometteurs. La faute à la guerre.
Celle de Corée qui a bouleversé son destin et l’équilibre mondial de 1950 à 1953 avec ce premier épisode de la guerre froide entre Russes et Américains. Mais quel rapport, direz-vous, entre ce conflit lointain et ce top modèle que Renault voulait s’offrir en vedette pour le salon de l’auto en 1951 ? Fort du succès de sa petite voiture populaire, la 4CV lancée en 1947, le constructeur de Boulogne-Billancourt veut alors poursuivre son offensive avec un modèle haut de gamme pour concurrencer la « Reine de la route », la fameuse Traction Citroën.
Mais ses plans, déjà étudiés secrètement durant l’Occupation avec un moteur arrière comme la 4CV ont été rejetés fin 1944 par le nouveau patron placé par le gouvernement à la tête de l’entreprise nationalisée. Pierre Lefaucheux ne trouvant pas cette conception idéalement adaptée pour une grande berline, les ingénieurs sont repartis d’une feuille blanche et doivent mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu si l’on veut tenir l’objectif fixé par le patron : une sortie de cette voiture au salon de 1951.
Mais le déclenchement de la guerre de Corée en juin 1950 et la très mauvaise tournure sur le terrain, où la France est aussi impliquée en tant qu’alliée, va encore davantage chambouler le lancement de la future Frégate Renault. Du jour où le ministre de la guerre signifie à l’ingénieur Pierre Lefaucheux l’interdiction de lancer un nouveau modèle à partir de janvier 1951 afin de réquisitionner les usines automobiles pour produire du matériel militaire. Coulée la Frégate ? C’est mal connaître la détermination de l’ancien Résistant Lefaucheux qui passe outre ! En catastrophe, avant la date fatidique, la nouvelle Frégate est dévoilée à la presse le 24 novembre 1950.
Mais ce n’est qu’un prototype. Et sa mise au point va être bâclée pour pouvoir la commercialiser même pas un an après au salon de l’auto. Une précipitation qui va lui couter cher. Malgré son succès d’estime par le public séduit au départ par l’élégance de son style teinté d’Amérique, son vaste habitacle pouvant accueillir six passagers, son confort et sa tenue de route grâce à la nouveauté des 4 roues indépendantes, et son efficace freinage Bendix à commande hydraulique. Car les premiers clients vont très vite déchanter.
Le moteur 2 litres de seulement 56 ch se révèle poussif pour cette auto lourde de 1235 kg, dure à manœuvrer avec sa direction de camion, et délicate à conduire par l’imprécision de sa commande de boite de vitesses. Pire que tout : la fiabilité de la Frégate est mise à mal par des pannes à répétition dues à sa gestation trop hâtive. Et les ventes plongent. En 1955, un nouveau coup du sort frappe la Frégate qui n’en avait pas besoin. Pierre Lefaucheux se tue à son volant après un tonneau en freinant sur une plaque de verglas.
La voiture a pourtant bien résisté au choc. Et c’est en fait la projection de sa valise placée sur le siège arrière qui lui a brisé la nuque ! Cette contre publicité, alors que les ventes avaient bien remonté après la résolution de toutes ses imperfections, la Frégate s’en serait bien passée l’année où elle mettait justement en avant l’augmentation de sa puissance à 77ch avec son moteur passé à 2,2 litres, sa nouvelle version luxe bicolore « Grand Pavois » et son joli modèle break « La Domaine ».
Mais l’irruption au même Salon de 1955 de la révolutionnaire DS Citroën va un peu plus éclipser les progrès de la Frégate, décidément frappée de malédiction depuis ses premiers tours de roues. Au siège de Renault, le nouveau PDG, Pierre Dreyfus, lui, est focalisé sur le lancement en 1956 de la remplaçante de la 4CV, la Dauphine. Elle va devenir la voiture la plus vendue en France, et partir à la conquête du marché américain. Un nouveau territoire où la Frégate va tenter aussi sa dernière chance avec sa nouvelle version Transfluide de 80 ch 135 km/h lancée en 1958.
« C’était l’objectif de cette Frégate luxueuse, équipée d’une boite semi-automatique à convertisseur de couple pour s’adapter aux habitudes américaines de conduite, et richement garnie, comme là-bas, de chromes qui faisaient mieux ressortir son superbe côté sculptural » explique Gilbert Forest très fier de son modèle noir de 1959 déniché en 2006. « Une petite manette permettait de choisir 6 positions : Parking, R-marche arrière, Exceptionnel (pour des fortes pentes), Neutre pour le point mort, Montagne pour plus de puissance, et VR-ville-route, s’allumant dans des petits voyants ronds devant le volant. Et ça donnait une conduite plutôt souple et sans fatigue.»
Mais face aux américaines propulsées par de gros V8, les 80 ch du petit 4 cylindres de la française ne vont pas faire le poids. Et la Dauphine pas mieux. L’offensive de Renault aux Etats-Unis va se terminer en fiasco. En 1960 Pierre Dreyfus arrêtera les frais sur la Frégate qui n’aura été produite qu’à 180 463 d’unités en 9 ans. Et il faudra attendre 1965 pour que Renault connaisse enfin le succès sur ce créneau des grandes voitures grâce à son innovante berline-break à hayon : la très pratique R16 qui séduira les familles avec plus de 1,8 millions d’exemplaires en 15 ans !
LA DERNIÉRE NOUVEAUTÉ DU GROUPE RENAULT
DACIA JOGGER HYBRID 140 : LA FAMILIALE DES ASTUCIEUX
Cette Dacia est déjà devenue un best seller, car elle est la familiale 5-7 places la moins chère du marché entre 20 et 25 000 € en combinant les avantages d’un SUV, d’un break et d’un monospace par le volume énorme de son coffre. Et à sa très économique version GPL qui représente aujourd’hui 60% des ventes, le Jogger vient de se rajouter un atout supplémentaire avec une version hybride de 140 chevaux qui consomme 40°% de moins en ville. Et non rechargeable par régénération de la batterie au freinage. Pas de hantise, donc, de tomber en panne faute de trouver à temps une borne de rechargement…lire la suite
MON VIN PRÉFÉRÉ
L’excellent Pouilly-Fuisse de Gilbert Forest est plus qu’un vin : une histoire de famille. « C’est mon arrière grand-père, maire de Solutré qui a été le créateur de l’appellation ! Et les Forest en sont restés 40 ans durant à la présidence. Et même si mon grand-père est devenu banquier , il a gardé le vignoble exploité par un métayer dont le petit fils William Trouillet continue aujourd’hui de s’occuper des 2 hectares de vignes restantes dont j’ai repris les rênes en 1995 à la mort de mon père. » Quant à sa passion pour la Frégate, il la doit à ses souvenirs émerveillés dans celle de son grand-père qui changeait tous les deux ans de voiture. Outre sa Frégate de collection, Gilbert Forest, 79 ans, a clairement une préférence pour la marque au losange : « Depuis ma première voiture de tous les jours, une Dauphine, je n’ai toujours eu que des Renault dans ma vie ! Ça a tenu au fait que nous avions bénéficié de conditions d’achat avantageuses grâce à un oncle de ma femme qui était directeur d’une concession Renault !
Pouilly-Fuisse « Aux Chailloux » 1er Cru (19 €) Issu d’une culture parcellaire sur un terroir argilo calcaire bien exposé, ce vin à la robe d’or dégage une extraordinaire fraicheur fruitée et minérale très équilibrée entre puissance et finesse dans ses arômes odorants qui tapissent aussi en douceur le palais avec une longueur en bouche très suave prolongeant indéfiniment ce plaisir gustatif . Un grand moment. Et à un prix très intéressant par rapport aux tarifs pratiqués sur l’appellation. Un cran légèrement en dessous , car ne bénéficiant pas du label 1er Cru bien que les parcelles soient voisines, le Pouilly-Fuisse générique (14,50 €) est très honorable, tout comme le Macon-Solutré (8€) qui les rejoint en saveur au fil de son vieillissement en bouteille.
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